
Entre tradition et modernité : les conflits de succession en Afrique noire
Les conflits entre droit traditionnel et droit moderne provoquent encore bien des aléas sur le continent Africain, notamment lors du partage des héritages familiaux. Poids de la religion et pesanteurs socio-économiques se mêlent souvent aux règles du mariage coutumier et priment sur celles du civil, occasionnant ainsi de nombreux effets.
Dans le mariage coutumier, quand surviennent des problèmes d’héritage, ce sont, par exemple, assez traditionnellement les parents du partenaire masculin qui s’approprient les biens au détriment de l’épouse et des enfants. Au Tchad, la tradition autorise par exemple encore la famille du défunt à prendre la terre, les bêtes, les meubles et les autres biens, laissant les veuves et les enfants les mains vides.
Au Sénégal aussi, les mécanismes sont complexes. Selon le Code de la famille, deux régimes successoraux sont applicables : une succession de droit musulman et une succession de droit dit « moderne », proche du droit français - le dernier étant plus favorable aux femmes que le premier. Chacun peut choisir qu'à son décès, sa succession soit assurée, suivant l’un ou l’autre. Pour cela, il faut en manifester la volonté de son vivant ; en l’absence de choix c’est le droit moderne qui s’appliquera. L’enjeu est de taille car il est vrai que les variations ne sont pas des moindres. Si le droit moderne, par exemple, n’effectue pas de distinction entre homme et femme dans le partage successoral, le droit musulman confère lui deux parts aux garçons mais une seule à la fille. En droit musulman, l’épouse hérite du quart de la succession en l’absence de descendance, ou du huitième quand le défunt laisse des enfants (s’il y a plusieurs veuves, elles se partagent le huitième de la succession) ; tandis que selon le droit commun, homme et femme, frère et sœur, ont la même part, la loi ne faisant aucune distinction en la matière.
Au Sénégal, selon le Code de la famille, deux régimes successoraux sont applicables : une succession de droit musulman et une succession de droit dit "moderne".
Au Cameroun, même histoire : les Européens qui ont colonisé le pays - notamment Français et Anglais -, lancés dans des politiques d’assimilation, n’ont que peu considéré les normes traditionnelles en vigueur à leur arrivée et les ont remplacées par un droit importé d'Europe. Ceci posé, le remplacement des pratiques existantes était infiniment trop offensif, les interdire eût été contre-productif, des entrelacs se sont donc tissés entre conduites et usages traditionnelles et prescriptions importées d’un droit européen, qui perdurent encore. Dans les contentieux où la coutume peut intervenir - comme les mariages ou les successions -, le citoyen camerounais peut, par exemple, choisir de se référer à un tribunal coutumier ou moderne. S’il choisit le tribunal coutumier, celui-ci applique les règles traditionnelles mais si ces règles vont à l’encontre des normes du droit moderne, les décisions peuvent être invalidées par un tribunal. Ainsi, l’éviction des règles coutumières (et la promotion des principes civilistes) s’est progressivement imposée, dans un champ où des considérations religieuses et sociales restent pourtant très solides. Il en a résulté une dénaturation du sens des successions et un certain désordre au sein des familles.
Une thèse de doctorat réalisée en co-tutelle des Universités de Liège et de Yaoundé a justement examiné l’incidence psychosociologique de cette opposition entre droit moderne et droit traditionnel, à travers l'exemple du droit de la succession ; certains usages étant en effet très culturellement chargés, comme l’explique Joseph Bomda, l’auteur de cette recherche : "en Afrique noire, la succession permet à la personne décédée de continuer à exister dans la société, sa place ne disparaît pas avec sa mort. Le successeur hérite de ses biens mais aussi de ses droits, de ses rôles et de ses missions. C'est très différent du contexte européen, où l'on hérite des biens et obligations de la personne décédée mais pas nécessairement de son statut social". Cette différence de conception a des implications extrêmement concrètes…
On mesure combien il est crucial de se doter aujourd’hui d’un Département international comme celui d’ADD…
On peut ainsi mesurer combien délicat peut être la résolution d’une succession lorsqu’on ignore ce qui fait sens et ce que in fine "hériter" veut - culturellement - dire. On mesure, enfin, également combien il est crucial de se doter aujourd’hui d’un Département international comme celui d’ADD, composé de chercheurs alertes vis-à-vis de ces enjeux délicats, et agiles pour en saisir les subtilités et aider à leur résolution…
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